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La décharge de Béziers, illégale et en sursis

Dans un jugement préalable, rendu le 6 janvier 2022, le Tribunal administratif de Marseille, saisi par le Comité de Défense des Hauts de Badones -Montimas, retient que la poursuite de l’exploitation de la décharge de la Communauté d’agglomératoin Béziers-Méditerranée a été autorisée illégalement en 2018. Le tribunal accorde au Préfet de l’Hérault un délai maximum d’un an pour régulariser son autorisation.

A l’issue de ce délai, les juges se prononceront sur la légalité de l’arrêté préfectoral de régularisation ou tireront les conséquences de l’absence de régularisation. L’avenir de la décharge de Béziers se trouve donc en suspens devant la justice administrative.

Décharge de Bèziers

Activité sur la décharge le 1er décembre 2021 (photo : DR)

Confrontés, depuis l’automne 2017, à la pire des périodes de pollution de l’environnement par la décharge de l’agglomération Béziers-Méditerranée1 qu’ils ont connues, les habitants du quartier de Badones-Montimas ne cessent de dénoncer cette situation et d’appeler les autorités publiques à leur responsabilité.

Compte-tenu des dysfonctionnements majeurs du site d’enfouissement et des nuisances récurrentes liées aux émanations gazeuses préjudiciables à la santé humaine (à nouveau constatées depuis le mois de novembre dernier) et au risque de pollution des eaux souterraines, l’association de quartier et les riverains constitués en collectif souhaitent la fermeture au plus tôt de la décharge.

C’est dans ce contexte que l’association de quartier, le Comité de Défense des Hauts de Badones – Montimas (CDHBM), a introduit, au mois de juin 2018, un recours devant la justice administrative contre l’arrêté préfectoral du 9 février 2018 autorisant l’extension de la décharge et la prolongation de son exploitation jusqu’au 31 décembre 2029.

L’association a formulé de nombreux griefs, mettant en cause, principalement, la procédure d’autorisation et le bien-fondé de l’implantation de la décharge au lieu-dit Saint-Jean-de-Libron sur la commune de Béziers et, bien sûr, le choix de prolonger son activité en ce lieu.

Dans un jugement préalable (avant-dire droit), rendu le 6 janvier 2022, le Tribunal administratif de Marseille juge que la procédure d’autorisation de la poursuite de l’exploitation de la décharge a été irrégulière au regard du droit européen.

En effet, l’avis rendu en 2016 par l’autorité environnementale chargée d’évaluer la qualité de l’étude d’impact et la prise en compte de l’environnement a été rendu par un service qui n’était pas indépendant du Préfet de l’Hérault qui a délivré l’autorisation, comme l’exige pourtant le droit de l’Union européenne.

Cela signifie que, depuis 2018, la décharge de Béziers fonctionne avec une autorisation illégale.

Pour autant, le droit applicable permet au préfet de régulariser son autorisation en sollicitant un nouvel avis de l’autorité environnementale, organisée, cette fois, de façon autonome.

Le tribunal administratif donne quatre mois au préfet de l’Hérault pour obtenir cet avis, et huit mois de plus, dans le cas où cet avis rendrait nécessaire une nouvelle enquête publique.

Cette procédure plus complète (et plus longue) serait justifiée si, dans son avis, l’autorité environnementale devait considérer que les risques d’atteinte à l’environnement ont été mal évalués ou qu’ils doivent donner lieu à des mesures qui n’ont pas été prévues jusqu’à présent.

Dans ce cas, l’avis de l’autorité environnementale serait substantiellement différent de celui de 2016 et la Communauté d’agglomération Béziers-Méditerranée pourrait être amenée à compléter son dossier de demande d’autorisation, avant que cette demande ne soit soumise à une enquête publique complémentaire.

Ce n’est qu’après avoir reçu le nouvel avis de l’autorité environnementale, et à l’issue de la nouvelle procédure, que le Préfet de l’Hérault pourra prendre un arrêté modificatif de régularisation. Il se prononcera alors, de ce fait, sur le maintien ou non de l’autorisation d’exploitation de la décharge jusqu’en 2029.

Le Tribunal administratif de Marseille, qui reste saisi de l’affaire tout au long de la procédure de régularisation, rendra alors un jugement final au regard des nouveaux éléments produits par le préfet, de l’arrêté préfectoral de régularisation et des observations des parties.

Le Comité de Défense des Hauts de Badones – Montimas espère donc que la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe), qui va être saisie pour avis par le préfet, tiendra compte de ses griefs et des éléments qui justifient, selon lui, l’arrêt de l’enfouissement des déchets sur le site de Saint-Jean de Libron :

– risque important de pollution des eaux souterraines (dont celles de la nappe astienne indispensable aux communes du littoral)2,

– enfouissement illégal3, depuis 2014, d’une quantité très importante de matière organique à l’origine des odeurs et des rejets atmosphériques dangereux pour la santé des riverains,

– et incapacité de la communauté d’agglomération à éviter les nuisances et à gérer convenablement le site4.

Notes:

1 Officiellement appelée Installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND), exploitée par la Commune de Béziers de 1999 à 2011, puis par la Communauté d’agglomération Béziers-Méditerranée à partir de 2012.

2 Comme l’avait dénoncé le rapport du commissaire enquêteur en 1998, lors de la procédure d’autorisation initiale, et comme le montre le rapport d’un hydrogéologue mandaté par l’association (rapports produits devant le tribunal).

3 Révélé notamment par la Chambre régionale des comptes d’Occitanie dans un rapport rendu public le 1er mars 2019.

4 Comme en attestent les visites d’inspection réalisées sur place par les services de l’État et les trois arrêtés de mise en demeure pris par le Préfet de l’Hérault en 2019.